Le terme cantine a été banni du vocabulaire officiel des
managers : les salariés vont à présent déjeuner au restaurant
d’entreprise. Il existe effectivement, je peux en témoigner, des lieux attrayants
qui offrent, dans une ambiance agréable, une grande variété de plats bien
cuisinés propres à reconstituer la force de travail. Mais à midi, G, le DRH et
moi avons d’abord fait la queue dans une cour devant le préfabriqué, nous
réjouissant du beau temps qui nous permettait de rester au sec. Nous avons
ensuite pénétré dans un lieu qui malgré d’innombrables néons agressifs restait curieusement
sombre –peut-être cette impression était-elle liée à la saleté des murs- et
résonnait de la rumeur de deux cents convives. Nous avons saisi un
plateau grisâtre que nous avons fait glisser devant quelques désespérants raviers de fruits
avant de nous voir proposer de la blanquette de dinde ou du steack
haché –on avait du mal à distinguer les deux plats- accompagnés de coquillettes, de frites
ou d’un mélange de légumes tout droit sorti de boîtes. Le temps d’arriver à une
table et de tirer une chaise malcommode, la sauce douteuse de la blanquette
s’était figée. Pas à dire, certains salariés sont plus vernis que d’autres.