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14 décembre 2008

Ma mère est morte en fin d'après-midi; à ce

Ma mère est morte en fin d'après-midi; à ce moment là je parlais d'elle à mon amie S.
Un jour j'avais écrit ceci :

Elle procédait toujours de la même manière et utilisait les mêmes plats, les mêmes ustensiles.

Elle prenait quelques grosses pommes de terre, qu’elle épluchait avec un petit couteau pointu au manche de bois, les jetant au fur et à mesure dans une bassine d’eau froide. Elle essuyait les pommes de terre avec un torchon puis les coupait en tranches pas si fines, qu’elle déposait dans un grand saladier très lisse de couleur crème, décoré de traits marron. Elle épluchait également un oignon, qu’elle coupait tout pareil. Puis elle ajoutait une petite poignée de gros sel et mélangeait l’ensemble. Elle laissait reposer une petite demi-heure, préparant pendant ce temps la pâte brisée avec de la farine en puits, du sel, de la margarine et de l’eau chaude, le mouvement de ses belles mains faisant naître peu à peu la magie d’une pâte parfaite. Elle allait chercher dans le placard un rouleau à pâtisserie constitué d’un simple cylindre de bois dur et sombre. Elle débarrassait et lavait la surface de la table en formica bleu, qu’elle saupoudrait alors de farine. Elle posait une grosse moitié de la boule de pâte et entreprenait de l’étaler, tournant et retournant le disque en devenir avec des gestes sûrs. Elle graissait le moule en pyrex blanc parsemé de fleurettes, l’enneigeait de farine, et y plaçait habilement la pâte étalée, en découpait alors le bord de manière à ce qu’elle dépasse largement du moule. Puis patiemment et tranches après tranches elle garnissait avec les pommes de terre, négligeant l’oignon. Elle plaçait ensuite sur l’ensemble un deuxième cercle de pâte, rabattait la pâte du dessous de manière à fermer la tourte. D’un doigt décidé elle ouvrait une cheminée au centre du plat, badigeonnait à la main la pâte d’un mélange de jaune d’œuf et de lait qu’elle avait battu à la fourchette dans un bol. Et enfournait le futur pâté aux pommes de terre. Elle se lavait alors les mains et les avant-bras largement farinés dans l’évier de la cuisine.

Lorsque le plat était cuit elle le posait sur la grille de la gazinière et entreprenait de découper le couvercle de pâte avec le même petit couteau qui lui avait servi à éplucher les légumes. Elle soulevait alors avec précaution ce couvercle fumant qu’elle déposait à côté, s’emparait d’un gros pot de crème et les pommes de terre absorbaient les généreuses cuillerées qu’elle déposait là. Enfin, elle refermait la tourte, qui dégageait des parfums incroyables.

Alors, se retournant, elle nous servait.

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