Aujourd'hui j'ai vu se dessiner une ombre
Nous sommes en train d’échanger quelques mots dans la boutique vide lorsqu’une dame petite et ronde, les cheveux tirés dans un chignon serré, surgit derrière moi et s’adresse à mon interlocutrice d’une voix tonitruante : ah, je n’étais pas venue depuis longtemps pas vrai ? Sourire mi-figue mi-raisin sur le visage de la pharmacienne. J’espère que vous allez me faire une avance, je peux pas vous payer mais j’ai 39°5 de fièvre, explique la cliente en se collant contre mon dos. Un jeune préparateur arrive et prend un air un peu crispé lorsque la main, qu’on suppose brûlante, se pose sur son bras : vous sentez comme je suis malade ? On ne va pas vous laisser comme ça, commente-t-il doucement. Je peux aller aux toilettes ? demande la femme qui s’avance déjà vers l’arrière boutique – j’ai l’habitude pas vrai ? La pharmacienne soupire imperceptiblement : oui, vous avez l’habitude. Des petits pas pressés accompagnent la question lancée d’un ton enjoué : c’est où, déjà, ici ? Vous allez devoir attendre un peu, remarque le jeune homme sans agressivité, c’est occupé pour le moment. Le rire de la dame sonne faux, comme si soudain elle n’avait plus la force de jouer son rôle. Oui, elle va attendre.